S’insérer

A Ker-Uhel ou à Ar Santé-Les Fontaines, les habitant·es votent moins

A quelques semaines de l’élection présidentielle, si la politique est présente dans le discours de nombreux habitant·es, le taux de participation dans les quartiers d’habitat social de Lannion est incertain.

Devant l’un des bâtiments d’Ar Santé – Les Fontaines, Bryan avoue ne pas vouloir voter, bien qu’il ait encore des doutes avant l’élection à venir : « J’hésite depuis qu’une voisine m’a dit « si tu ne votes pas, Zemmour va passer » ». Bryan suit l’élection avec ses parents, notamment devant la télévision et en parle autour de lui. Hanane Akaou, travailleuse sociale présente dans le quartier, enchaîne : « Si Zemmour passe, je ne serai plus là car je suis étrangère. » Pour pouvoir voter lors de l’élection présidentielle, il fallait s’inscrire sur les listes électorales avant le 2 mars sur Internet et le 4 en mairie. Lannion recense 1 209 nouvelles inscriptions cette année avant l’élection présidentielle. Lors des maraudes effectuées par les travailleur·euses sociaux·ales, la politique n’est abordée que lorsque les habitant·es font le choix d’en parler, mais « en aucun cas je dirai à la personne d’aller voter. Ce n’est pas notre rôle, c’est le travail de l’Etat », explique la travailleuse sociale. Si l’élection présidentielle n’est pas omniprésente dans le quartier, les habitant·es s’interrogent.

1 209 nouvelles inscriptions sur les listes électorales cette année

Mairie de Lannion

Un désintérêt exprimé par certain·es

Au premier tour en 2017, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont obtenu les deux meilleurs scores dans les bureaux d’Ar Santé – Les Fontaines et de Ker-Uhel. Dans les quartiers d’habitat social, on constate que l’abstention est en moyenne plus élevée que d’autres secteurs de la ville. Devant le bureau de tabac de Ker-Uhel, d’autres confient leur désintérêt pour la politique et le vote : « À 28 ans, je n’ai jamais voté de ma vie, je ne m’y suis jamais intéressé », lance l’un d’eux. Ce désintérêt pour la politique semble être exprimé par de nombreux·ses locaux·ales.  Simone, habitante de Lannion depuis qu’elle a trois ans, désinfectait cette après-midi-là la porte d’entrée de son immeuble d’Ar Santé. Elle juge par exemple que les politiques « promettent beaucoup de choses » mais ne prennent pas vraiment en compte leurs concitoyen·nes, une fois élu·es. Les thématiques de débat des candidat·es semblent perdre les potentiel·les électeur·rices : « Je pense voter mais on ne sait pas pour qui voter. En ce moment je ne regarde plus trop les infos », affirme une habitante. Une riveraine, qualifie le niveau politique actuel comme étant « affligeant. Dès qu’un scandale éclate, c’est comme si on ouvrait Paris Match », car les médias parlent beaucoup des scandales, déplore-t-elle.  

A 28 ans, je n’ai jamais voté de ma vie, je ne m’y suis jamais intéressé

Un adulte présent devant le bureau de tabac de Ker-Uhel

L’effet guerre en Ukraine

La mobilisation de l’ensemble des militant·es sonne dans tous les partis. Responsable du comité local de soutien à Yannick Jadot, Sylvie Bourbigot estime que le tractage dans les quartiers d’habitat sociaux « n’est pas rentable. On y va quand même car il faut y aller. »  La guerre entre l’Ukraine et la Russie occupe également beaucoup les esprits : « Notre président est relativement doué pour imposer les sujets. On a du mal à trouver la façon de capter l’attention », estime la militante EELV. Député La République en marche de Lannion, Éric Bothorel estime qu’il est « difficile de parler d’autre chose » que du conflit actuellement en cours,même si la campagne continue pour tous les partis. Odile de Mellon, déléguée départementale du Rassemblement national, explique que son parti « n’a pas beaucoup de militant·es » pour tracter dans Lannion. Elle indique cependant que le RN « cible tous les quartiers ». Coordinateur du parti Reconquête ! dans les Côtes-d’Armor, Pierre-Yves Thomas juge qu’« un quartier prioritaire dans une opération de militantisme est un quartier où il y a beaucoup de potentiel » électoral. Pierre Gouzi, conseiller municipal PS de Lannion, explique quant à lui que « comme dans toute campagne, nous allons bien sûr dans les quartiers d’habitat social. En général, nous avons un très bon accueil des habitants. » En promenant son chien, Arnaud, explique que certain·es habitant·es du quartier ne votent pas « car ça ne change pas grand-chose mais il faut quand même aller voter », conclut-il.

Contactés à plusieurs reprises, La France Insoumise et Les Républicains n’ont pas répondu à nos questions.

Photo d'illustration (2021) - Crédit : Guillaume Saligot
Graphique : Valentin Stoquer