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Les jeunes de Ker-Uhel en ont ras-le-bol des contrôles de police

Dans le quartier de Ker-Uhel à Lannion, la police passe plusieurs fois par jour et contrôle régulièrement les jeunes. Une situation ressentie comme du harcèlement par les habitants.

Quelques personnes marchent boulevard d’Armor quand le temps s’y prête, les sorties du collège rythment le quartier toutes les heures et le tabac presse Le Criquet accueille des habitués. Le quartier de Ker-Uhel est calme, mais entre les bâtiments aux façades rénovées récemment, les jeunes du quartier ne sont même plus surpris par les contrôles réguliers, les fouilles et les palpations de la police nationale. Sous le porche à côté de la pharmacie, un petit groupe de jeunes regardent une course de chevaux. “On se fait contrôler pratiquement tous les jours”, lance Mewenn*, 19 ans. Son ami Abdel* renchérit : “On ne passe pas une semaine sans se faire contrôler.” Des faits confirmés par les employées du tabac presse Le Criquet : “On voit souvent passer la police ici, mais les jeunes ne nous dérangent pas, ils ne sont pas méchants.”

Du contrôle d’identité au commissariat

Dans les discussions des habitants, les anecdotes sur la police ne manquent pas. Contrôles, fouilles, voire insultes, Oscar* et ses amis décrivent des situations où ils sont ciblés spécifiquement par les policiers. Cette omniprésence policière a des conséquences sur la vie de quartier. Les contrôles à répétition ont fini par lasser les jeunes. Abdel et ses amis sont unanimes, “ça nous donne de moins en moins envie de sortir si on sait qu’on va se faire contrôler presque systématiquement”. Selon eux, dans le quartier, un simple contrôle d’identité peut rapidement se terminer au commissariat. “Si on sort juste pour aller voir des potes dans le quartier et qu’on n’a pas de carte d’identité sur nous, les flics quand ils te contrôlent, ils t’embarquent pour vérifier ton identité au commissariat, ça il y a que dans les quartiers que tu le vois”, explique Abdel.

Une proximité qui ne passe pas

Une voiture de police passe devant le collège, les policiers ralentissent, jeu de regards, les jeunes vannent, les agents poursuivent leur route. “Celui qui conduit, on le connaît, il ne s’arrête jamais”, lance Oscar. Les deux parties ont fini par bien se connaître à force de contrôles. Si les jeunes peuvent prendre ce jeu du chat et la souris à la rigolade parfois, Oscar n’apprécie pas d’être si connu des agents. “Ils nous appellent par nos prénoms. Ça veut dire quoi ? Qu’on est des sous-citoyens, qu’on ne mérite pas le même respect que tout le monde ?” 

Pour Nadia Sourisseau, en formation BPJEPS médiation animation sociale, les jeunes du quartier manquent de lieux où se retrouver, où ils seraient moins exposés à la police. “Parfois, la police vient car elle est appelée par des habitants, essentiellement pour du tapage.” La mise en place d’un local dédié à la vie des jeunes à Ker-Uhel est compliquée. “Dès qu’on parle de jeunes avec la municipalité, c’est le bazar”, confie Valérie Rolland, médiatrice de quartier. Le Phare, un lieu créé par la municipalité, répond à cette demande dans le centre-ville, mais Nadia Sourisseau insiste sur le fait qu’il faut créer un lieu “avec les jeunes, dans leur quartier.” 

« La police, elle est là pour aider les citoyens. Là, elle ne nous aide pas”

Abdel*

Ce rapport à la police les poursuit même en dehors de Ker-Uhel. Quand ils vont dans le centre-ville de Lannion, les jeunes savent que s’ils croisent la police, ils connaîtront le même traitement que dans le quartier. Mewenn assure s’être fait contrôlé plusieurs fois dans le centre-ville par les mêmes policiers qui le contrôlent systématiquement à Ker-Uhel. Pour lui, ces contrôles avaient comme seul motif le fait d’avoir été reconnu par les fonctionnaires. “La police, elle est là pour aider les citoyens. Là, elle ne nous aide pas”, conclut Abdel.

Contacté à la suite de ces témoignages, Daniel Kerdraon, commandant de la police nationale de Lannion, n’a pas pu répondre à nos sollicitations en raison de la période de réserve pré-élection présidentielle. Le syndicat UNSA Police de Lannion a également été contacté, mais le délégué syndical n’a pas donné suite à nos appels.

* Ces prénoms ont été modifiés