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A Ker-Uhel, les jeunes construisent leur propre stade

Le city stade joue un rôle essentiel dans un quartier populaire. Démoli en 2016, celui de Ker Uhel sera de retour grâce à la mobilisation des jeunes du quartier.

Faire du sport dans le quartier de Ker Uhel ? « Avec quoi ? Il n’y a rien ici ».

Pour le moment, le bitume remplace le gazon, deux sacs à dos en guise de buts, et les voitures comme limites du terrain… Pas si simple de jouer dans ces conditions. Mais il n’y a pas d’autres choix pour Ali, Dylan et leurs amis. La rue devient leur terrain de jeu. Et tant pis pour les patrouilles de police, les sorties d’école et le mécontentement des riverain·es. « Dans le quartier, c’est tout pour les plus petits. Il n’y a rien pour les plus de 16 ans. »
Leur terrain de foot, le city stade, a été démoli en 2016 pour y construire le nouveau collège. Une décision de la mairie qui n’enthousiasme pas les footeux du quartier.
« On se rassemblait au city stade pour jouer au foot, taper dans le ballon, mais pas que. C’était un  moment où on rigolait tous ensemble, on s’asseyait pour discuter, souvent autour d’un barbecue», raconte avec une touche de mélancolie Ali, 17 ans. “Maintenant, on n’a plus d’endroit où se retrouver.”
“Nous, on veut faire des matches tous ensemble” complète  Dylan Rabet, un autre jeune de Ker Uhel. “On en ras le bol de jouer à la Brésilienne ou au taureau”, deux jeux pour entraîner sa technique individuelle avec ballon. 

Une mobilisation inédite

“Chaque quartier à son city stade”, explique Fleurine Salha, éducatrice de l’association Beauvallon à Lannion. “Donc, depuis la suppression de celui de Ker Uhel, les jeunes du quartier ne cessent de nous solliciter pour en créer un autre. C’est un réel manque.” Depuis la suppression de l’ancien city stade, les fans du ballon rond se sont mobilisés pour obtenir un nouvel équipement. Et ils ont réussi. Un nouveau city stade sera construit dans le courant de l’année, à côté de l’école Woas Wen. 

« Les jeunes du quartier ne cessent de nous solliciter pour en créer un autre. C’est un réel manque »

Fleurine Salha, éducatrice de l’association Beauvallon

Après un premier refus de la mairie pour des raisons économiques, le projet verra finalement le jour grâce à la participation des habitant·es dans le cadre d’un chantier collaboratif. “Si on participe à la construction, cela permettra d’aller plus vite et donc de jouer plus tôt, mais aussi d’apprendre de nouvelles compétences et surtout de prendre un peu plus soin de l’équipement, vu qu’on aura participé à sa création”, raconte avec impatience Dylan, lui qui n’a jamais connu l’ancien city stade. 


«Ici, dans le quartier, c’est le foot »

Quand on leur parle du Parkour Park installé l’été dernier,  un rire gêné se mêle à un soupir d’agacement. « Du Parkour ? Et puis quoi encore ? », répond un ami d’Ali avant de poursuivre : « On a plus l’âge d’escalader des murets. Nous ce qu’on aime, c’est le  foot ! »
Pourtant, la mairie voulait proposer un équipement novateur et  a rencontré, durant son démarchage, une association spécialisée dans le Parkour. “C’est innovant,  c’est une nouvelle pratique pour les jeunes du quartier” tente d’argumenter Gwénaëlle Lair, adjointe aux politiques sportives de la ville. Un  choix pas si judicieux pour certains habitants. Presque caricatural pour d’autres, comme Véronique Moreira, spécialiste du sport pour les jeunes. « C’est très stéréotypé d’implanter un parc de Parkour, un sport dit « urbain », dans un quartier  populaire. Ce n’est pas un aménagement pour eux. Ils pensent  que les jeunes de quartier veulent faire comme dans le film Yamakasi, mais ce n’est pas forcément le  cas. »  

« On a plus l’âge d’escalader des murets« 

Leurs idoles à eux ce ne sont ni les Yamakasi Malik ou Djamel mais bien les Paul Pogba ou Karim Benzema. «Ici, dans le quartier, c’est le foot », répètent-ils. Mais comment faire sans city stade ? « Lannion n’est pas si grand que ça, c’est facile de se déplacer un peu et de trouver un terrain dans un autre quartier », lance l’adjointe au maire. Malgré cette indifférence face à leur frustration, les footballeurs de Ker Uhel ont su se mobiliser pour jouer devant chez eux, dans leur quartier, là où ils ont grandi. Un engagement collectif suivi d’un accord entre la mairie et Terres d’Armor Habitat pour ce projet co-financé avec l’Agence nationale du sport. Une installation qui signera  le retour à la normale pour Ali et ses amis. Le retour d’un temps que les nouveaux arrivants, comme Dylan, pourront enfin découvrir, avec ou sans barbecue. Mais une chose est sûre avec plus de convivialité et de sécurité qu’au milieu de la route.